Dans son plan France Relance 2030, le gouvernement place en second objectif le fait de devenir leader de l’hydrogène décarboné et accorde 7 Milliards d’euros au développement de la filière.
Pourquoi l’hydrogène est-il tant sur le devant de la scène ?
Contrairement au gaz et au pétrole, la combustion d’hydrogène - insistons sur ce terme "combustion" pour éviter toute confusion - n’émet pas de CO2 mais de la vapeur d’eau... Un véritable atout, pour lutter contre la pollution de l'air dans les villes et pour réduire les problèmes de santé publique qui en découlent. Un véritable atout également, à première vue, pour réduire notre consommation de carburants fossiles - dont le gaz et le pétrole - et ainsi remplir nos objectifs de réduction d’émissions de CO2 !
L’hydrogène est plébiscité pour 3 types d’usages :
En écrasante grande majorité dans les usines, en tant que réactif pour le raffinage, la production d’engrais, la verrerie et sidérurgie ;
Pour le transport, en tant que vecteur énergétique. Couplé à une batterie, l’hydrogène embarqué permet de gagner en autonomie et en temps de recharge, grâce à sa forte densité massique d’énergie (combustion d’un kg d’H2 équivalent (énergie) à 3 kg de pétrole) ;
Pour un stockage de long terme d’énergie avec des piles à combustible. Il apparaît comme LA solution pour pallier les intermittences de la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Il rendrait possible un commerce inter-régional de cette électricité et favoriserait l’indépendance énergétique de certains territoires.
Plus récemment, l'hydrogène a également fait l'objet d'essais pour d'autres usages : pour le chauffage, l'eau chaude sanitaire et la cuisson. Intégré aux réseaux gaziers, il peut en effet se substituer en partie au gaz naturel.
Figure 1 : Répartition de la consommation d’hydrogène en France selon les usages.
Source : RTE, La Transition Vers Un Hydrogène Bas Carbone, 2020
On entend parler d’hydrogène bleu, vert, gris… Mais qu’est-ce que cela signifie ?
Cette classification est liée au procédé de fabrication de l’hydrogène. Car s'il est abondant naturellement dans l’eau ou dans la matière organique, on ne le trouve pas "dans la nature", à l'état pur. Pour l'obtenir ainsi, une transformation nécessitant de l’énergie est nécessaire.
Il existe différents procédés de production dont trois à partir d’énergies fossiles :
le vaporeformage du méthane, une combustion de méthane, qui, rappelons-le, est un puissant gaz à effet de serre ;
l’oxydation d’hydrocarbures : une combustion incomplète de méthane ;
la gazéification du charbon.
Figure 2 : Les différents procédés de production d'hydrogène.
Source : RTE, La Transition Vers Un Hydrogène Bas Carbone, 2020
Comme leurs noms l’indiquent, ces procédés font appel à des ressources fossiles et ils nécessitent de casser les molécules organiques pour obtenir de l’hydrogène dit gris et du CO2…
Mais alors pourquoi l'hydrogène est-il si souvent présenté comme LA solution pour réussir la transition énergétique ?
Parce que ces méthodes fortement émettrices peuvent être combinées à des méthodes de capture et de séquestration du CO2. On obtient alors de l’hydrogène dit bleu. Cette technologie est déjà utilisée dans certains pays (Norvège, Etats-Unis) mais reste coûteuse et nécessite donc d'importants investissements sur les structures de production, limitant ainsi son développement.
L'espoir que l'on place dans l'hydrogène est surtout lié à l'existence d'un dernier procédé : l’électrolyse de l’eau (5% de la production actuelle). Cette technologie permet de récupérer l’hydrogène contenu dans l’eau grâce à un courant électrique qui casse les liaisons oxygène et di-hydrogène de la molécule d’eau H2O. Environ 11 litres d’eau et 44 à 55 kWh d’électricité sont nécessaires pour produire un kilogramme d’hydrogène, qui restitue ensuite environ 13 kwh d’électricité. On parle alors d'hydrogène rose quand l'électricité est produite à partir de nucléaire, d'hydrogène vert lors que cette électricité est 100% renouvelable et d'hydrogène jaune lorsqu'il s'agit d'une électricité obtenue à partir d'un mélange de plusieurs sources (nucléaire, solaire, mais aussi énergies fossiles...).
Ainsi, en France, grâce à notre électricité bas carbone (car oui, pour d’autres pays l’électrolyse serait finalement pire que les 3 procédés utilisant des ressources fossiles*), l’hydrogène obtenu par électrolyse s'apparente à la solution miracle ! Vous n'êtes pas encore convaincu ?
L’électrolyse, une solution miracle ?
En effet, l’électrolyse est une solution prometteuse, car elle n’émet que très peu d’émissions de CO2 dans le cas où le mix électrique du pays est bas carbone.
Etant donné que les objectifs d'électrification des procédés industriels et des transports de la SNBC** présents en France impliquent déjà une hausse de la demande en électricité, la solution de l'électrolyse se traduirait par une intensification de cette demande.
Par ailleurs, comme le montre le schéma ci-dessous, les rendements de cette méthode de production sont faibles :
Source : Rendement de la chaîne hydrogène, ADEME, 2020.
Plus généralement, l’hydrogène, bien que permettant un stockage longue durée, s’avère difficile à manipuler étant présent sous forme de gaz à température ambiante. Des fuites peuvent survenir, mais le gaz étant onéreux, les précautions prises font qu’elles arrivent plus rarement que pour le gaz de schiste par exemple. De plus, il nécessite des conditions spécifiques de stockage (comprimé à plus de 700 fois la pression atmosphérique, ou à pression atmosphérique avec une température de moins 253°C), des contenants particuliers ainsi qu’un plus grand espace de stockage (10 fois plus que l’essence).
Quelles solutions pour faire de l’hydrogène un soutien de la transition ?
95% de la production française d’hydrogène est fossile et génère 3% des émissions de CO2 nationales !
Dans un premier temps, le plan de déploiement français de l’hydrogène souhaite s’atteler au verdissement des usages existants. Ainsi, la priorité est portée sur l’industrie*** avec des objectifs de 10% d’hydrogène décarboné en 2023 et entre 20 à 40% en 2028. La France veut se positionner en leader de la production décarbonée d'hydrogène avec, notamment, la construction de 2 gigafactories d’électrolyseurs (usines géantes permettant de faire des économies de très grande échelle sur une technologie) pour la production d’hydrogène vert, à partir d’énergie renouvelable, et de multiples projets locaux supportés par le plan France Relance 2030 et les acteurs français du secteur de l’énergie. De plus, la mobilité lourde à hydrogène va être encouragée avec un objectif de 400 stations à hydrogène en France d’ici 2028.
Source : France Hydrogène
En parallèle, le développement des énergies renouvelables sur le territoire va également augmenter la production d’hydrogène vert grâce à sa capacité de stockage longue durée.
Dans un second temps, une fois l’hydrogène vert devenu plus rentable, il est prévu de le destiner à d’autres usages dont la généralisation à la mobilité (navires, avions), l’intégration au réseau gazier et l’alimentation de data centers. À l’échelle mondiale, la consommation d’hydrogène va être multipliée par 8,5 entre 2020 et 2050 :
Figure : Demande mondiale en hydrogène, par application, en millions de tonnes
Source : Hydrogène Council
Quelle est la logique temporelle et économique de ce plan ?
Bien que l'électrolyse de l'eau ait toujours été un procédé coûteux, la découverte plus tardive du procédé d'extraction avec le charbon a tout de même permis aux industriels de réduire leurs coûts.
Pour rendre l’hydrogène produit par électrolyse attractif, l’Etat se concentre dans un premier temps sur l’industrie car elle contient des marchés concentrés, de “gros clients” (les raffineries sont à l’origine de 60% de l’utilisation industrielle d’hydrogène). Bien qu’il y soit difficile d’y concurrencer le prix de l’hydrogène gris (1,5 à 2,5 €/kg) contre celui de l’hydrogène vert (4 à 6€/kg aujourd’hui, mais 2 à 3€/kg en 2028), cette industrie a la capacité d’investir dans cette technologie, ce qui permettrait de faire des économies d’échelle sur les électrolyseurs.
Source : données CEA et DGEC, plan de déploiement de la filière hydrogène, 2018
Cependant, l’hydrogène vert est dès maintenant compétitif pour des usages dits diffus, c'est-à-dire nécessitant de moins gros volumes (verrerie, agroalimentaire, …) car le prix de l’hydrogène gris y est de 10 à 20€/kg. Néanmoins, les investissements nécessaires sont trop importants pour les entreprises de ces secteurs (changements des installations, de la maintenance, des opérations, etc.).
Par ailleurs, la technologie de capture et séquestration du CO2, souvent citée comme le moyen de continuer les extractions de ressources fossiles de manière “propre”, est extrêmement coûteuse (77€ euros par tonne de CO2 provenant des gaz de combustion et 48€ par tonne de CO2 des gaz de synthèse). Les financements de la recherche ou les investissements pour multiplier les infrastructures qui permettent cette pratique sont encore manquants. La compétitivité de l’hydrogène vert serait, grâce à ce plan, atteinte en 2035.
Ainsi, comme souvent, on retrouve dans ce secteur le besoin d’avoir un prix du carbone plus élevé pour investir et concurrencer la production d’hydrogène gris.
Le véhicule à hydrogène, une bonne idée pour mon entreprise ?
Le coût de possession d’un véhicule à hydrogène est de 20 à 50% supérieur à celui d’un véhicule thermique aujourd’hui. Mais ces coûts pourraient converger d’ici 2035. De plus, l’hydrogène a un avantage sur le tout électrique dans ce secteur car les batteries traditionnelles constituent un poids et un encombrement supérieur à l’hydrogène.
Pour les voitures particulières, le manque d’efficacité énergétique de l’hydrogène est un problème si on la compare à celle de l'électrique, malgré une empreinte carbone moins convaincante pour l’électrique à cause de sa batterie.
Figure : Emissions de C02 sur l'ensemble du cycle de vie
Source : Hydrogène Council
Pour conclure, le sujet de l’hydrogène nécessite d’être traité avec rigueur et précaution. Même s’il pourrait servir la transition énergétique avec l'hydrogène vert, cela ne garantit pas que rouler à l’hydrogène dès aujourd’hui est une solution pour limiter son impact sur l’environnement !
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